De quelles histoires coloniales sommes-nous les dépositaires ? De quels silences et non-dits ? Que ce soit dans l’espace public - où les statues d’allégories des colonies continuent à exhiber leurs soi-disant bienfaits -, dans les musées - dont les collections se sont constituées bien souvent lors de pillages -, au sein des archives, dans les relations internationales Nord-Sud ou lors de récits familiaux, l’influence de l’expansion coloniale continue d’innerver notre présent. Pourtant en France, “longtemps, la colonisation n’a pas fait partie de notre passé” rappelle Pierre Songaravélou. Elle était reléguée à la marge du champ intellectuel. Aujourd’hui, un long travail d’écriture de celle-ci est en cours ; nombre d’artistes et de chercheureuses s’en emparent afin d’enrichir l’intelligence collective de passés dont les répercussions ne cessent de se faire ressentir et en vue de contrer des récits nationaux glorificateurs. C’est justement parce que les étudiant*es s’inscrivent dans cette démarche qu’il nous a semblé nécessaire d’organiser ces deux journées d’étude, pour écrire ensemble un futur décolonial.
La question des altérités, abordée du point de vue de la représentation comme de la relation, y tiendra une place particulière. Il s’agira de se poser la question de la puissance de (re)médiation des arts et de leur capacité à donner à voir et à entendre des existences silenciées ou minorées. Ces journées thématiques entendent ainsi positionner les écoles d’art, et plus généralement les mondes de l’art, comme un lieu effectif, ou tout du moins possible, de décentrement des épistémologies hégémoniques, oeuvrant à déconstruire l’universalisme et l’exotisme sur lesquels se sont fondées les définitions occidentales de l’identité comme le regard porté sur les expressions identitaires non-blanches.
La dimension performative, renvoyant autant à des pratiques artistiques qu’à la construction de soi, apparaît au sein de ce “tournant décolonial” comme capable de subsumer sous son nom les champs artistiques, sociaux et politiques. Nous voudrions notamment mettre en lumière l’articulation entre performativité sociale et performance artistique pour questionner l’art comme puissance d’autoreprésentation et d’autodésignation : le cinéma, le photographique, théâtral, le chorégraphique, l’écriture, le geste ou l’action ne sont-ils pas en effet des façons (parmi d’autres) de mettre en oeuvre les altérités qu’invisibilisent, sinon nient, les discours et regards dominants ?
Ces journées thématiques seront l’occasion de faire le point sur l’actualité de la recherche dans ces domaines tout en identifiant des pratiques et oeuvres critiques aptes à « désituer » les regards.