matières fertiles
prélever réutiliser, questionner, créer
Les artistes ont souvent fait de nécessité vertu, notamment en réemployant des matériaux ou des supports par manque de moyens. La crise écologique aidant, ce type de geste n’est désormais plus une fatalité, mais bien une attitude assumée, voire recherchée et signifiante dans certaines pratiques artistiques contemporaines. « Less is more »*, non pas dans une recherche d’épure de la forme pour la fonctionnalité ; il s’agit à présent et pour l’avenir de produire mieux en consommant moins**.
Cette préoccupation de l’impact carbone des productions humaines sur l’ensemble des écosystèmes de la planète est en train de transformer nos rapports aux matériaux, à l’énergie, aux gestes, et nous oblige progressivement à adopter une forme d’éthique pour le vivant. Alors comment cela se manifeste-t-il dans une pratique artistique ?
L’acte de la cueillette et de la collecte comme préalable à la création sont désormais des postures que l’on rencontre dans des pratiques artistiques en quête de circuit court, recyclant les matériaux trouvés, et les histoires trouvées qui en découlent. Il s’agit de produire sans forcément ajouter au monde, de recentrer le regard sur les richesses à portée de main. De redonner du sens à l’acte de production par un ancrage local, et par conséquent forcément spécifique et singulier. C’est ainsi que les matières végétales reprennent le devant de la scène, dans une volonté d’économie de moyens et de lien avec le territoire local, ou que nos soi-disant « déchets » deviennent sources de projets créatifs et émancipateurs.
L’art d’aujourd’hui est en quête d’un terreau fertile de création, chargé des principes, des trajectoires et des histoires que ces matières glanées ici et là portent en elles. Cette exposition souhaite montrer comment, humblement et de diverses manières, les notions de circuits courts ou de réemploi de la matière peuvent devenir des façons de « faire art », sans pour autant abandonner les lectures multiples de l’oeuvre ni le plaisir de l’expérience sensible. Ainsi le travail de l’artiste Cédric Caprio, qui gravite autour de la notion de paysage, mobilise pour se faire des objets usagés et manufacturés de façon industrielle. Afin que l’impact de notre surconsommation sur l’environnement soit interrogé par les scories mêmes de notre mode de vie. Jeune artiste diplômé de l’école supérieure d’art d’Aix-en-Provence, il indique la voie d’une nouvelle génération en prise directe avec les enjeux de la transition écologique.
Dans l’autre partie de la galerie, nous découvrons l’ingéniosité quotidienne développée dans les ateliers de gravure et volume de l’école d’art idbl, où le réemploi et les matières renouvelables sont des contraintes contemporaines intégrées à la démarche de création.
Emeline Eudes
(*) D’après Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969), instigateur de l’architecture moderne et minimaliste.
(**) Comme le fait par exemple « l’atelier moins mais mieux », un collectif de designers et artisan.es du réemploi et de l’autonomie, avec des créations sur-mesure à faible impact carbone.
artiste invité
Cédric Caprio
Je développe une pratique plurielle allant de la peinture à l’installation dans laquelle la couleur et la lumière occupent une place centrale. J’utilise des objets usagés qui portent des traces et qui ne sont pas prédestinés à la peinture. Mon travail explore la notion de paysage, plus précisément les liens qui existent entre le paysage physique que l’on peut traverser et le paysage iconique que l’on peut représenter. J’interroge les liens entre le réel, l’artificiel et le virtuel du monde qui m’entoure.
Né en 1994 en Haute-Savoie, Cédric Caprio travaille à Marseille. Diplômé de l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence en 2020, il a récemment exposé ses oeuvres au Mac Arteum à Châteauneufle-
Rouge, aux Ateliers Jeanne Barret à Marseille et au Musée Granet à Aix-en-Provence.
programmation autour de l’exposition
vendredi 20 septembre 2024
17h rencontre avec Cédric Caprio, artiste-plasticien
Y a-t-il une vie pour tous types d’objets après leur consommation ? Que signifie « peindre » avec des objets ready-made ? Comment parler encore de paysage et de picturalité à l’ère de de la surconsommation des espaces naturels et de la prolifération des images ? Voici quelques questions qui émailleront ce dialogue avec l’artiste invité dans le cadre de cette exposition, afin de comprendre comment l’art contemporain intègre certains enjeux de la transition écologique.
18h vernissage de l’exposition
jeudi 10 octobre 2024
18h conférence de Linda Sanchez, artiste enseignante à l’ESAAIX
À travers une sélection de projets, l’artiste évoquera ses processus de mise en oeuvre, les environnements de recherche plastique, la dynamique et le mouvement qui se jouent à l’atelier, les matériaux et les dispositifs d’expérience, les gestes et les systèmes de fabrication, le réemploi, les notions d’attention, d’intentions et d’intuitions… comme un paysage, un théâtre des opérations des écologies et des économies du travail artistique.
Linda Sanchez est issue de l’école d’art d’Annecy. Elle a mené plusieurs projets de collaboration avec des écrivains, chercheurs, artistes et participe à plusieurs laboratoires de recherche. Elle a exposé en France et à l’étranger. Elle est lauréate du Prix Bullukian en 2014, du prix Révélations Emerige 2017 et du Prix découverte des amis du palais de Tokyo en 2018. Elle est représentée par la galerie Papillon à Paris. Son travail figure dans plusieurs collections privées et publiques (FRAC Sud, IAC Villeurbanne, CNAP).